La crème de la crème à Genève
Oyez, oyez, braves gens ! Il est temps de rendre au végétal ses lettres de noblesse. À la Crèmerie Végane, 9 rue de la Ferme (ça ne s’invente pas), le fromage a de l’avenir et du cœur. N’en déplaise aux puristes et aux accros à la caséine* (protéine de lait) : le fromage végétal existe. Et sur la marelle du plaisir gustatif, il emmène directement au ciel nos papilles (sans passer par la case « vache à lait »).
Je vous entends grincer des dents, vous, les damnés du bleu et du camembert coulant (dont je faisais partie il n’y a pas si longtemps) Pas de panique ! Malena, son père Soheil et son ami Mourad ne vous veulent que du bien, c’est promis. Si vous êtes curieux(se), gourmand(e) ou les deux, n’attendez plus pour passer la porte de cette petite boutique à l’enseigne bleue et rencontrer cette joyeuse troupe, aussi charmante qu’engagée, qui saura trouver la bonne recette pour vous régaler autant que de vous faire cogiter.
« La recherche du plaisir gustatif est bien sûr essentielle, dit Malena. Mais notre démarche est avant tout militante. Nous voulons proposer des produits qui favorisent la transition vers un autre modèle d’alimentation, meilleur pour notre santé et surtout plus respectueux envers les animaux. »
Pour celles et ceux qui en doutent encore, laissez-moi vous dire qu’un « fromage » sans lait de vache (même si d’un point de vue juridique, la dite appellation est interdite), c’est non seulement possible mais surtout savoureux. Du goût, du moelleux, une légèreté singulière et rafraîchissante. Idem pour la crème végétale. J’en veux pour preuve la dernière création de Soheil, inspirée d’un dessert libanais (le pays d’origine du Chef). Une petite merveille répondant au nom évocateur de L’Orientale, au sirop d’agave parfumé à la fleur d’oranger (mon chouchou à moi). À découvrir également Le Crémeux nature, Le Crémeux ail et fines herbes. Et bientôt disponible en pot ou à la coupe : Le Coupable que j’ai eu la chance de goûter en exclusivité. Miam.
Soja, graines de tournesol, amandes ou noisettes (utilisées par exemple aux Etats-Unis), les sources sont multiples pour fabriquer des « fromages véganes » ou « faux-mages » végétaux. Soheil Azzam, ancien graphiste intolérant au lactose et sensible à la question animale depuis près de quarante ans, utilise quant à lui des noix de cajou fermentées pour ses préparations artisanales mixées, entre autres, avec du sel et du citron. Le Chef m’apprend entre deux clients, qu’à l’instar des fromages classiques, le développement des arômes et la diversité des textures résident dans les secrets de fermentation et d’affinage, sans oublier bien sûr la qualité des produits de base. Depuis leur ouverture au mois de décembre, la Crèmerie Végane achète des noix de cajou issues de l’agriculture biologique et du commerce équitable par le biais de la plateforme Gebana, favorisant l’accès des petits producteurs durables au marché mondial.
« On a commencé par vendre nos fromages dans la boutique de thé familiale ainsi qu'une épicerie bio aux Eaux-Vives, raconte Malena. On a été très vite victimes de notre succès. La demande était énorme ! C’était notre responsabilité de nous engager davantage et de démontrer que l’éthique et la philosophie ne devraient pas être ajustées en fonction de notre appétit. »
Ancienne porte-parole de l’association PEA (Protection Égalité Animale) et militante antispéciste, cette jeune femme de 28 ans avoue que « le terrain » lui manque même si elle a aujourd’hui la conviction de s’inscrire dans une démarche très positive. Nul besoin d’être mentaliste, en effet, pour constater que les clients et même les badauds sont autant conquis par le goût que par le concept de produits artisanaux, biologiques et éthiques.
« Il ne manque plus qu’un bon verre de vin ! » déclare une cliente, tout sourire.
L’aventure a été rendue possible grâce au crowdfunding (financement participatif). L’équipe compte de fait de nombreux soutiens, une volonté de fer et des projets plein la tête pour répondre à l’explosion de la demande. Qu’ils soient commerçants, restaurateurs, consommateurs suisses, français, belges ou italiens, tous veulent tester « la mozzarella végétale », les persillés et « les camemberts » de la Crèmerie Végane. Comme on les comprend ! Un peu de patience … ils arrivent.
